Histoire de l'hydromel

De Hydromel Wiki

L'hydromel, plus vieille boisson alcoolisée de l'humanité ?

Cette question est sujette à débats, et surtout, continue à évoluer au fil des recherches, des fouilles et des découvertes. En effet, la fabrication de boissons alcoolisées pré-date l’Histoire (la période pour laquelle nous avons des traces écrites, à partir de 3300 av. J.-C.), puisque l’on trouve des traces de fabrication d’alcool vieilles de plus de 10.000 ans.

Voici les plus anciennes traces de fabrication d’alcool aujourd’hui connues :

Si l’on cherche des traces de consommation d’alcool, sans nécessairement chercher une preuve de fabrication, alors le sujet devient plus complexe : les fruits peuvent fermenter tout seuls, de même qu’une ruche inondée pourrait voir son miel fermenter. Il est ainsi vraisemblable que l’hydromel puisse faire partie des premières boissons alcoolisées consommées par des humains.

Cependant, trouver des traces de cette consommation est quasiment impossible, et je n’ai pas pu trouver de sources crédibles qui démontrent une telle consommation, ni qui permette d’affirmer avec certitude que l’hydromel (ou un autre alcool) soit plus ancien que les autres.

L'Hydromel pendant l'Antiquité : Grecs, Romains, Celtes

Chez les peuples de tradition orale, comme la plupart des Celtes, il est difficile d'en savoir beaucoup sur la fabrication de l'hydromel. Chez les autres, qui nous ont laissé des écrits, nous sommes aussi dans le flou, car les recettes sont assez vagues, et ne décrivent pas précisément les arômes des hydromels obtenus, encore moins leur taux d'alcool et la sucrosité résiduelle.

Cependant à travers toutes les recettes qui nous sont restées, le thème est récurrent : nos aïeux fabriquaient leur hydromel avec une méthode qui a toutes les chances de donner un hydromel imbuvable par nos standards aujourd’hui :

  • La fermentation à une chaleur très élevée (quarante jours au soleil au plus fort de l’été) créerait des arômes fermentaires identifiés comme des défauts, notamment des alcools de fusels, qui peuvent donner des saveurs de dissolvant.
  • La durée d’exposition à l’air très longue causerait vraisemblablement une oxydation de l’hydromel très poussée, ce qui créé des arômes boisés, de noix très puissants, et qui diminue généralement la complexité aromatique du breuvage, atténuant le miel.

On note également ce qui continuera à être le cas jusqu'à la période moderne, qu'est également appelé "hydromel" un mélange d'eau et de miel, qui peut être cuit ou non, sans qu'il soit particulièrement clair qu'il y a fermentation. Les auteurs distinguent alors "l'hydromel", sans fermentation, de "l'hydromel vineux", qui est fermenté.

Voici quelques exemples de recettes :

Columelle, De Re Rustica, 60 av JC

Dans le livre XII de De Re Rustica (Columelle, De Re Rustica, 60 av JC), Columelle propose plusieurs recettes d'hydromel, de vin miellé et d'un hydromel à la myrte ("vin de myrte") :

Comment on confectionne le vin miellé. XLI. [1] Faites ainsi de très bon vin miellé : Tirez sans délai de la cuve du moût de mère goutte, c'est-à-dire de celui qui aura coulé des raisins avant qu'ils n'aient été fortement foulés. Faites ce moût avec du raisin de vignes mariées aux arbres, et que vous aurez cueilli par un temps sec. Jetez dix livres de miel d'excellente qualité dans une urne de moût, et, après l'avoir soigneusement mêlé, emplissez-en une bouteille, enduisez-là de plâtre sans retard, et faites-la déposer sur une tablette. Si vous désirez en confectionner une plus grande quantité, vous ajouterez du miel d'après la proportion que nous venons de fixer. Trente et un jours après, il faudra ouvrir la bouteille, décanter le moût dans un autre vase qu'on lutera, et que l'on conservera sur le four.

Manière de faire l'hydromel.

XII. [1] Ainsi ce lavage étant mis à part et destiné à des conserves, on fera de l'hydromel avec le meilleur miel. Il y a plus d'une manière de le préparer. En effet, quelques personnes renferment, plusieurs années d'avance, de l'eau de pluie dans des vases qu'ils tiennent en plein air au soleil ; ensuite elles la décantent fréquemment dans d'autres vases et la tirent au clair (car toutes les fois qu'on tarde quelque temps à la transvaser, on trouve au fond un sédiment semblable à de la lie); puis on mêle un setier de cette vieille eau avec une livre de miel.

[2] D'autres personnes, pour donner un goût plus ferme à l'hydromel, délayent le setier d'eau avec le miel à la dose de neuf onces, et placent au soleil, durant quarante jours, à l'époque du lever de la canicule, la cruche qu'on a remplie de cette préparation et lutée avec du plâtre; dans cet état, ils la déposent sur une tablette où elle puisse recevoir la fumée.

[3] D'autres, qui n'ont pas eu soin de faire vieillir de l'eau de pluie, en prennent de fraîche et la font bouillir jusqu'à réduction des trois quarts; puis, quand elle est refroidie, mélangent un setier de miel avec deux setiers d'eau, s'ils désirent faire un hydromel très doux; ou bien, s'ils le veulent plus fort, ils ajoutent à un setier d'eau neuf onces de miel, et, ces proportions observées, versent dans la cruche leur préparation. Ensuite, comme je l'ai dit ci-dessus, ils l'exposent quarante jours au soleil, et la déposent sur des tablettes où elle soit exposée à l'action de la fumée.

Comment on fait le vin myrtite.

XXXVIII [5] On obtient un autre vin de myrte par le procédé suivant : Faites jeter trois bouillons à du miel de l'Attique, et écumez-le autant de fois; ou, à défaut de ce dernier, choisissez du miel d'excellente qualité, dont vous enlèverez les écumes à quatre ou cinq reprises : car, moins il est bon, plus il produit d'ordure. Quand le miel sera refroidi, prenez les baies de myrte de l'espèce blanche, les plus mûres que vous trouverez, et écrasez-les de manière à ne pas broyer les semences qu'elles renferment.

[6] Après avoir placé ces baies dans une corbeille de bois, vous en exprimerez le suc, dont vous mélangerez six setiers avec un setier de miel cuit; puis vous verserez le tout dans une fiole que vous luterez, C'est dans le mois de décembre qu'on doit faire cette préparation, parce qu'alors presque toujours les semences de myrte ont atteint leur maturité. Il faudra veiller à ce qu'avant la récolte de ces baies, il se soit écoulé sept jours, s'il est possible, ou tout au moins trois d'un temps serein, et surtout à ce qu'il n'ait pas plu, et à ce qu'elles ne soient pas même couvertes de rosée.

Dioscoride, De Materia Medica, 70 ap JC

Dioscoride propose plusieurs recettes d'hydromels aux fruits dans son ouvrage De Materia Medica, Livre V. (version latin-grec, pages 608 à 609). Dans une traduction en (vieux) français de 1559 on peut trouver les recettes suivantes:

Recettes de Dioscoride, De Materia Medica, Livre V (grec, latin, français)

Hydromel aux coings :

Du Vin de Pommes de Coing (...)

Lon pile les Pommes de Coing, & en espreinct lon le sue, du quel on met dix sestiers avec un sestier de Miel, & ainsi le serre lon. Ce Vin est astrictif, il aide à l'estomac, à la dysenterie, à ceux qui sont travaillés du foye, aux maladies des reins, & à la difficulté de l'urine.

Le Melomeli, qui aussi s'appelle Cydonomeli se fait en ceste maniere. Lon emonde premierement les Pomme de Coing de leur grene, & les met lon en autant de quantité de Miel, qu'elles s'y peussent entierement submerger. Il devient bon après un an, & fait le semblable que le Vin miellé, & vaut autant, que la susdicte composition.

De l'Hydromelon (...)

L'Hydromelon se fait de deux mesures d'eau cuicte, tenue au Soleil es jours caniculaires, & d'une partie de Melomeli, faict de Pommes de Coing, & ha la mesme vertu.

Une recette que l'on appellerait aujourd'hui Pyment (hydromel au raisin) :

De l'Omphacomeli (...) L'Omphacomeli se fait en ceste sorte. Lon prend le raisin qui n'est pas meur, & le laisse lon par trois jours au Soleil, & en apres on en espreinct le suc dehors, & met lon avec trois parties de luy, une seule de tresbon Miel escumé, & transmué par apres en autres vaisseaux, on le met au Soleil.

Hydromel à la rose (rhodomel) :

Le vin nommé Rhodomeli, se fait de sec de Roses, & de Miel.

Pline l'Ancien, Historia Naturalis, Ier siècle ap JC

Pline l’Ancien, Historia Naturalis, Ier siècle ap JC :

On fait aussi du vin avec de l'eau et du miel seulement. On recommande de conserver pour cet objet pendant cinq ans de l'eau de pluie. Des gens experts se contentent, dès qu'elle est tombée, de la faire bouillir jusqu'à réduction d'un tiers; et ils ajoutent un tiers de miel vieux ; puis ils tiennent ce mélange au soleil pendant quarante jours, à partir du lever de la Canicule. D'autres le soutirent au bout de dix jours, et bouchent les vases. On nomme cette boisson hydromel (XXII, 5 1 ), et avec le temps elle prend le goût de vin

On note également dans le livre 22 :

Toutefois, à force de vieillir, il se transforme en un vin qui, d'après toutes les observations, est très mauvais à l'estomac, et contraire aux nerfs.

Oribase, Collection Médicale V, IVème siècle ap JC

Oribase, Collection Médicale V, IVème siècle ap JC :

Recette d'hydromel et d'hydromel aux coings du IVe siècle ap JC (Oribase, Collection Médicale V)

19. Préparation de l'hydromélon. L'hydromélon se prépare en mêlant quatre sextaires de suc de coings à huit sextaire de miel et douze sextaires d'eau, qu'on expose au soleil vers la canicule.

(...)

21. Autre manière de faire de l'hydromélon. Coupez par petits morceaux, avec un roseau, trente-deux coings de qualité supérieure dont on a ôté les pépins. Jetez-les dans huit sextaire du meilleur miel ; abandonnez le mélange à lui-même pendant huit mois, mélez-y douze sextaires de vieille eau de pluie, et exposez le tout au soleil pendant les chaleurs voisines de la canicule, en évitant la pluie et la rosée.

Palladius, De Re Rustica, IVème siècle ap JC

Palladius, De Re Rustica, IVème siècle ap JC

Recette d'hydromel du IVe siècle ap JC (Palladius, De Re Rustica, Livre 8,VII)

De l'hydromel. VII. Dans les premiers jours de la canicule, puisez de l'eau pure à une fontaine; le lendemain, mettez dans trois setiers de cette eau un setier de miel non écumé, partagez avec soin ce mélange dans des chaudières où l'on cuit le sapa, et faites-le agiter constamment, pendant cinq heures par des enfants impubères, tandis que vous remuerez vous-même les vases; ensuite laissez-le exposé à l'air durant quarante jours et quarante nuits.

L'hydromel au Moyen-âge (476-1492)

Nous avons des récits, mais également quelques recettes d'hydromel qui datent du moyen-âge.

Geoponica, Xe siècle

Les Géoponiques, ou Géoponica, est un recueil d'articles de différents auteurs byzantins datée du Xe siècle. L'ouvrage a été progressivement traduit en latin, puis en français. Ci-dessous, les recettes d'hydromels du livre VIII, chap. XXVI et XXVII de la traduction française de Pierre Antoine (1543) :

La maniere de faire Hydromel.

Prenez trente pommes, & les coppez par petis quartiers, avec une canne, & en ostez les pepins, apres mettez les dictes pommes dans huyt septiers de miel, & quant auront demouré la huyt moys, y meslerez douze septiers d'eaue de pluye vielle, & aux jours caniculiers les mettrez au soleil, & gardez bien que la pluye, ne la rousée ne les touche. Les autres, ayant plus de raison, le font en ceste maniere. Ils pillent des pommes les meilleures & plus meures qu'ils pevent trouver, & en tirent le just, duquel prennent quatre pinctes, & huyt pinctes de bon miel bouilly, & douze pinctes d'eaue de pluye, & meslent tout ensemble, & puis les mettent au soleil. Apres ils les font cuire mediocrement, & en usent. Les autres les cuysent en deux chalderons, affin que l'eaue soyt mieulx cuicte qu'au feu, comme est la coustume en Espaigne.

La maniere de preparer de l'eau miellée

Prenez eaue de pluye vieille, ou qui ayt esté cuicte, tant que la tierce partie soyt consummée, & y adioustez du miel tant que vous verrez qu'il y en aura assez. Et la mettez dans ung caisseau, lequel mettrez à l'ombre dix jours, y laissant une esuentouse pour prendre vent, & en usez ainsi. Si elle est gardée longuement, elle en sera meilleure.(...)

Pour faire Roses miellées.

Prenez bonnes Roses, & s'il est possible qui soyent de montaigne, & les pillez pour en avoyr le just, apres espraignez les en ung mortier de pierre, & à deux pinctes de just, y adjousterez une pincte de miel. Et fault que le miel que vous y mettrez soyt cuict, & battez & tournez bien tout ensemble dans le vaisseau, lequel mettrez reposer en ung lieu qui ne soyt point moyte.

Das Buch Von Guter Speise, 1350

https://commons.wikimedia.org/wiki/Category:Literarischer_Verein_Stuttgart_IX

Ce "livre de la bonne cuisine" propose de nombreuses recettes. Il a été rédigé en Allemand aux alentours des années 1350, et son ou ses auteurs ne sont pas connus.

Voici la recette d'hydromel que l'on peut y trouver (transcrite ici : https://de.wikisource.org/wiki/Das_Buoch_von_guoter_Spise#cite_note-23) :

Das Buch Von Guter Speise, p 318

14. Wilt du guten met machen. Der guten mete machen wil. der werme reinen brunnen. daz er die hant dor inne liden künne. und neme zwei maz wazzers. und eine honiges. daz rüere man mit eime stecken. und laz ez ein wile hangen. und sihe ez denne durch ein rein tuch. oder durch ein harsip in ein rein vaz. und siede denne die selben wirtz gein eime acker lanc hin und wider. und schume die wirtz mit einer vensterehten schüzzeln. da der schume inne blibe und niht die wirtz. dor noch giuz den mete in ein rein vaz. und bedecke in. daz der bradem niht uz müge. als lange daz man die hant dor inne geliden müge. So nim denne ein halp mezzigen hafen. und tu in halp vol hopphen und ein hant vol salbey. und siede daz mit der wirtz gein einer halben mile. und giuz ez denne in die wirtz. und nim frischer heven ein halp nözzelin. und giuz ez dor in. und giuz ez under ein ander. daz ez geschende werde. so decke zu. daz der bradem iht uz müge einen tac und eine naht. So seige denne den mete durch ein reyn tuch oder durch ein harsip. und vazze in in ein reyn vaz. und lazze in iern drie tac und drie naht und fülle in alle abende. dar nach lazze man in aber abe. und hüete daz iht hefen dor in kumme. und laz in aht tage ligen. daz er valle. und fülle in alle abende. dar nach loz in abe in ein gehertztez vaz. und laz in ligen aht tage vol. und trinke in denne erst sechs wuchen oder ehte. so ist er allerbeste.

Le Ménagier de Paris, 1393 :

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b10501679k/f335.item ou https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k831118/f240.image  :

Recette de Bochet du XIVe siècle (Le Ménagier de Paris).

BOCHET Pour bien faire six sextiers de bochet, prenez six pintes de miel bien doulx, et le mettez en une chaudière sur le feu et le faites boulir, et remuez si longuement que il laisse à soy croistre, et que vous véez qu'il gette bouillon aussi comme petites orines qui se creveront, et au crever getteront un petit de fumée aussi comme noire : et lors faites-le mouvoir, et lors mettez sept sextiers d'eaue et les faites tant boulir qu'ils reviengnent à six sextiers, et tousjours mouvoir. Et lors le mettez en un cuvier pour refroidier jusques à tant qu'il soit ainsi comme tiède, et lors le coulez en un sas, et après le mettez en un tonnel et y mettez une choppine de leveçon de cervoise, car c'est ce qui le fait piquant, (et qui y mettroit levain de pain, autant vauldroit pour saveur, mais la couleur en seroit plus fade,) et couvrez bien et chaudement pour parer. Et se vous le voulez faire très bon, si y mettez une once de gingembre, de poivre long, graine de paradis et cloux de giroffle autant de l'un que de l'autre, excepté des cloux de giroffle dont il y aura le moins, et les mettez en un sachet de toile et gettez dedans. Et quant il y aura esté deux ou trois jours et le bochet sentira assez les espices et qu'il piquera assez, si ostez le sachet et l'espraignez et le mettez en l'autre baril que vous ferez. Et ainsi vous servira bien celle pouldre jusques à trois ou quatre fois.

AUTRE BOCHET DE QUATRE ANS DE GARDE, et peut-l'en faire une queue ou plus ou moins à une fois qui veult. Mettez les trois pars d'eaue et la quatrième de miel, faites boulir et escumer tant qu'il déchée du dixième, et puis gettez en un vaissel : puis remplez vostre chaudière et faictes comme devant, tant que vous en aiez assez; puis laissiez redroidier et puis remplez vostre queue: adonc, vestre bochet gettera comme moust qui se pare. Si le vous convient tousjours tenir plain fain qu'il gette, et après six sepmaines ou un mois l'en doit traire tout le bochet jusques à la lye et le mettre en cuve ou en autre vaissel, puis deffoncier le vaissel où il estoit, oester la lye, eschauder, laver, renfoncer, et remplir de ce qui est demouré, et garder; et ne chault s'il est en vuidenge. Et adonc aiez quatre onces et demie de pouldre fine de fine canelle et une once et demie de clou de giroffle et une de graine batus et mis en un sachet de toile et pendus à une cordelette au bondonnail.

Nota que de l'escume qui en est osté, prenez pour chascun pot d'icelle douze pos d'eaue, et boulez ensemble, et ce sera bon bochet pour les mesgnies. Item, d'autre miel que d'escume se fair à autele portion.

Cette recette permet de faire une boisson assez sucrée et peu alcoolisée (seulement deux à trois jours de fermentation avec une levure de bière). En outre, on remarque l’utilisation d’épices, qui permet d’atténuer le goût fort et âpre du miel brûlé.

A Collection of Remedies, 1444

L'ouvrage numéroté MS.MSL.136 de la Wellcome Collection, une bibliothèque londonnienne, contient plusieurs recettes d'hydromels, qui ont été étudiées par Laura D. Angotti dans son article 15th Century English Mead: Initial Review of Hydromel, Metheflin and Melomel Recipes in Wellcome MS.MSL.136, publié en 2021.

L'ouvrage n'a pas d'auteur connu, et est daté du XVème siècle. Une référence dans l'ouvrage permet de supposer qu'il a été écrit entre 1443 et 1444.

Voici les 3 recettes d'hydromel :

To make ydromell Take a galon of rennynge water & a pynt of clarified hony and boyle hem wele togedir a myle way & scome it clene and streyne it & put it in an erthen pot & lat stand ij days or ye drynk it & when it is cold tak a quantitee of soure levyn as grete as a costard & put it ther in. (f.89v)

On peut tenter de traduire la recette ainsi :

Pour faire de l'hydromel, prenez un galon d'eau courante & une pinte de miel clarifié, et faites les bouillir ensemble [a myle way] et écumez le, et filtrez-le, et mettez le dans un pot en terre, et laissez le des jours ou buvez le, et lorsqu'il est froids, prenez une mesure de levain acide et mettez le dedans.

Nicolaus Praepositus, Dispensarium ad Aromatarois, 1491

Nicolaus Praepositus, Dispensarium ad Aromatarois

On trouve deux recettes intéressantes dans cet ouvrage médical du XVe siècle. La recette a été traduite du latin en anglais par Laura D. Angotti , puis approximativement en français par Hector :

Aqua Mellis d'une première façon

Un volume de bon miel sain est placé dans un récipient en verre ou en pierre. Versez 8 volumes d'eau de source douce et claire. Cuire doucement et écumer. Ne pas le laisser bouillir jusqu'à déborder. Dés que l'écume apparait, la retirer. Filtrer à travers un linge.

Aqua Mellis d'une seconde façon

Un volume de miel propre et 8 volumes d'eau de source claire. Leur ajouter un petit levain de sorte que pour chaque livre de miel et d'eau il y ait 3 onces de levain. Placez le ensuite dan un tonneau de bois qui a contenu du mout de vin. Laissez dans le tonneau un espace libre égale à la taille d'un doigt. Et ensuite il va commencer à bouillir comme le vin. Lorsque qu'il a fini de bouillir, fermez l'embouchure du tonneau fermement. Buvez-le après 3 mois.

L'hydromel pendant la période moderne (1492-1789)

On peut trouver quelques recettes d'hydromel en parcourant d'anciens ouvrages, notamment sur Gallica. On note ainsi les recettes suivantes :

André Thevet, Cosmographie Universelle, 1575

Cosmographie Universelle, André Thevet, 1575 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k109341b/f179.item.

André Thevet, parcourant l'Afrique de l'ouest, note la recette suivante (page 75) :

Le peuple des Royaumes de Genehoc et de Caffene, qui tirent vers le Levant, (...) prennent trente ou quanrante liures de miel, qu'ils font bouillir avec de l'eau au Soleil, dans certains vaisseaux, capables d'un muyd et davantage : et étant purifié, comme fait le vin nouvellement entonné de pardeça, ils s'en aydent. Ce a le goust de l'hydromel, que l'on fait en plusieurs endroits de l'Europe.

Localiser ces peuples est complexe, voici la description de l'endroit par André Thevet (p 72) :

Ce cap, ou prominence de terre, entrant bien avant en la mer, est assis sur la coste d'Afrique, entre la Barbarie et la Guinée, et compris dans l'enceinct de Lybie, entouré des flots de Senega vers l'Est, et à l'Ouest de la mer Oceane, que l'on dit Atlantique ou Hesperique, posé à quize degrez deça la ligne equinoctiale : et s'appelle Macandan et Besenghé. Les premiers qui en feirent la découverte, environ l'an de nostre Seigneur Mil quatre cens nonatesept, luy mirent le nom Cap de Verd, pour la mesme rason qu'ils nommerent un autre au deça, Cap blanc.

Charles Estienne et Jean Liebault, Maison Rustique, 1577

Charles Estienne et Jean Liebault, L'Agriculture et Maison Rustique, 1577 : contemporains de André Thevet, les "maistres" Charles Estienne et Jean Liebault, docteurs en médecine, proposent la recette suivante pour l'hydromel, page 128 :

La manière de faire Hydromel vineux: Prenez miel une partie, eau de pluye six parties : mettez le tout ensemble dedans un petit tonneau bien poissé et bien estouppé par dessus, à ce qu'il n'ait air aucun, puis exposez-le à un grand Soleil, tel qu'est celui de Juillet, hors de toute pluye, et l'y laissez environ quarante jours, à la charge toutesfois que retourniez le tonneau de huit en huit jours, à fin que la chaleur du Soleil pénèttre de tous les costes pour le rendre de plus grande vertu seroit bon au temps des Coings y mester jus de Coing, la quarte partie du miel, à savoir, pour une liure de miel un quarteron de jus de Coing: Aucuns avant que de mettre l'eau & le miel dedans le tonneau les font bouillir sur un feu clair ou de charbon sans fumee, escument le miel, & le laissent bouillir jusqu'à tant qu'il soit cuit, et prennent la cognoissance de la cuisson par un oeuf qu'ils jettent dedans, lequel s'il nage par dessus c'est signe qu'il est cuit, s'il va au fond n'est pas cuit.

Les auteurs décrivent ensuite une recette similaire attribuée aux "Polonnois, Moscovites, & Anglois", qu'ils disent "plus plaisant et plus sain". Cette recette est très proche de la première, mais après avoir bouilli le miel et l'eau, un levain, ou de la bière ou de l'ale est ajoutée, ainsi que des épices (cannelle, poivre, gingembre, gaine de paradis, clou de girofle, fleurs de sureau)

Jacobus Theodorus Tabernaemontanus, Neuw Kreuterbuch, 1588

Tabernaemontanus, recette d'hydromel de 1588

Jacobus Theodorus Tabernaemontanus, Neuw Kreuterbuch, 1588, page 841, "Von Meth".

Reutter traduit cette recette en 1932 par : "Prenez du bon miel, que vous diluez avec 8 fois son poids d'eau, pour le verser ensuite dans une grande casserole, que vous déposerez sur un feu doux, afin de le faire bouillir à petit feu, puis versez-le, une fois refroidi, dans un tonneau, rempli aux trois quarts, où vous le soumettez à la fermentation alcoolique, quitte à l'additionner, si on le désire (afin d'en rendre son arôme plus épicé), de gingembre, de girofle, de muscade, de canelle, de safran ou d'autres drogues aromatiques". Cette traduction est probablement très approximative.

Voici une retranscription de Max Pauly (Der Honig und seine praktische verwertung, 1890) :

Es wird der Met auf mancherlei Weiss zugerichtet, nachdem eines Jeden Intent ist, doch ist dies der gemeine Brauch, dass man zu einer Moss guten Honigs acht Moss Wasser nehme, dasselbige in einem weiten Reffel bei sanstem Feuer, ohne Rauch sieden lasse, und jederzeit abseime, bis es ganz klar wird : Und je länger man den Meth hinhalten will, je länger er auch sieden soll : Nochmals, wann er erhaltet, soll man ihn in ein Fässlein schütten, bis drei Finder wohn lasse, dass er vergiesse. Will man ihn stärter und trästiger haben, so hente man Ingwer, Zimmet, Näglein, Calgant, Musscatnuss und dergleichen, soll man ihn drei Monat wol verschlezen liegen lassen und darnach gebrauchen

Matthias de l'Obel, 1605

Recette d'hydromel de Matthias de l'Obel, 1605

Dans une retranscription de 1605 on trouve la recette suivante :

Potus Merlini (Boisson de Merlin), ou la moins complexe Meda, de la visite de nobles Gallois et nordiques anglo-britanniques

Recette : trois parts d'eau, une part de miel.

Bouillir sur un feu doux, écumant continuellement jusqu'à réduction d'un tiers du liquide. Y ajouter 30 ou 32 onces d'excellent levain d'Ale dans un gallon anglais.

Le lendemain, transférer le liquide dans un autre récipient, en laissant les lies au fonds. Ajouter à nouveau du levain d'ale, et laisser reposer encore. Cela dure un an ou deux. On peut le boire à partir du huitième ou dixième jour après la fin de la fermentation.

Louise Bourgeois, Recueil des secrets de Louyse Bourgeois, 1635

Recette d'hydromel de 1635

Recueil des secrets de Louyse Bourgeois, 1635 : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5629871m/f213.image

Ce livre propose plusieurs recettes d'hydromels, notamment les suivantes :

Pour faire l'hydromel

Il faut prendre du miel de Narbonne du meilleur une liure avec quatre pintes d'eau, et les faire bouillir, et ecumer tant que l'écume soit toute blanche, et sans ordure aucune, et pour le rendre plus purifié l'on y peut mettre des blancs d'oeufs et coquilles pour le clarifier, soit dés le commencemment, soit sur la fin : l'on doit mettre sur cinq liures de miel une liure de jus de coings qui est la sixiesme partie, et s'il le bout trop, et ne le carifie, ou escume assez à coup, l'on y peut remettre de l'eau à discretion pour le clarifier plus à loisir : il faut lier un oeuf avec du fil, de sorte que l'on leiette dedans, il ira au fonds, et quand il est cuit il le cognoist, quand il revient au dessus. Il se fait vers la Pentecoste, et le gardedans de grosses bouteille sde terre au soleil tout l'esté, estant les bouteilles à trois doigts moins que pleines, et couvertes de parchemin, de peur des mouches.

Or le moyen pour faire que l'hydromel ayt le goust de vin muscat; il faut en la faison faire amasser de la fleur de vigne, de la fleur de sureau, et de la fleur de toute bonne, autant d'une que d'autre et les y mettre.

Pour faire de bon hydromel, à douze liures d'excellent miel, il faut six pintes d'eau, et le faire bouillir en le bien escumant, tant qu'il y ait diminution du tiers, puis le mettre dans un baril, ou bouteille sans boucher afin qu'il escume, et l'y laisser l'espace de six sepmaines.

. Les recettes reprennent des thèmes communs aux recettes précédentes : le miel est bouilli et écumé, et la fermentation se passe dans des bouteilles d'eau laissées au soleil pendant l'été.

Cependant cette recette introduit également un nouvel élément : la clarification de l'hydromel, qui est réalisé ici avec des blancs d'oeufs et des coquilles d'oeufs.

On notera également qu'une fois encore, l'hydromel "traditionnel" n'est pas forcément issu uniquement de miel, eau et levure, puisqu'ici Louise Bourgeois utilise tantôt du jus de coings, tantôt des fleurs (vigne, sureau, "toute bonne") pour aromatiser son hydromel.

Louise Bourgeois souligne à raison l'importance du choix du miel, et recommande du miel de Narbonne.

Nicolas Lemery, Pharmacopée Universelle, 1716

Nicolas Lemery, Pharmacopée Universelle, 1716 . Nicolas Lemery, de l'académie Royale des Sciences, docteur en médecine, décrit dans la deuxième édition de sa Pharmacopée Universelle la recette d'hydromel suivante (p 169) :

Prenez de très bon miel blanc, quatre livres.

De l'eau commune, dix pintes.

Faites-les bouillir ensemble dans un vaisseau de cuivre étamé et bien bouché, jusqu'à la consomption du tiers, ou jusqu'à ce qu'un oeuf que l'on y jettera recemment nage sur la liqueur.

Pendant la cuisson on aura soin d'ôter toute l'écume, puis l'hydromel étant cuit et rassis à loisir, sera enfermé dans un baril que l'on exposera au soleil ou que l'on mettra dans une étuve pendant 40 jours, et même plus longtemps si la fermentation n'est pas cessée, après quoi on bouchera le baril, et on le gardera à la cave pour le besoin.

Reprenant la recommandation de Louise Bourgeois, Nicolas Lemery recommande du miel blanc et ajoute dans ses notes "Il vaut mieux prendre du miel blanc pour cette opération, que du miel ordinaire à cause du goût qui en est meilleur (...), le miel de Narbonne y seroit préférable aux autres". Nicolas Lemery recommande de ne remplir le baril qu'aux deux tiers lors de la fermentation. Il tente ensuite d'expliquer la fermentation avec une explication dans son temps, mais aujourd'hui tellement désuète qu'elle en devient causasse :

Pour expliquer la fermentation de l'hydromel, il faut savoir que le miel contient naturellement un sel acide essentiel & de l'huile, comme on le démontre par le Chymie. Ce sel est mis en mouvement par la chaleur, et il tend à se déveloper, mais il trouve une substance huilse et embarassante qui le retient. Il faut donc qu'il agisse sur cette huile, et qu'il en raréfie et atténue les parties par avoir son mouvement livre, c'est ce qui cause la fermentation d'où il résulte un esprit vineux, parce que l'huile ayant été long-temps raefiée et divisée par le sel, elle devient esprit".

Une explication de la fermentation..... Pas tout à fait correcte

Jean-Claude Pingeron, Traité complet de l'éducation des abeilles, 1781

Jean-Claude Pingeron, Traité complet de l'éducation des abeilles, 1781

M. Pingeron indique d'abord, dans une note, quelques détails sur l'hydromel fabriqué par les peuples du Nord de l'Europe :

Les Peuples du Nord retirent de très grands avantages de leurs Abeilles ; ils en magent le miel ; le font entrer dans nombre de leur ragoût, et en composent un breuvage nommé Miod, et en françois Hydromel. Ils le délayent pour cela dans de l'eau pure et le laissent fermenter. Cette liqueur, qui est plus ou moins bonne, selon les soins que l'on apporte en la faisant, et selon la qualité du miel, ressemble au vin de Malaga pour la couleur

Au vu de cette description d'un hydromel très sombre, il y a fort à parier que les hydromels décrits étaient très oxydatifs. Jean-Claude Pingeron poursuit ensuite avec "Manière de faire de l'Hydromel simple" :

L'hydromel simple se fait en froissant avec les mains bien lavées des gâteaux de miel vierge dans de l'eau la plus claire que l'on peut trouver. (...). On met plus ou moins de miel, selon le degré de force que l'on veut donner à l'hydromel ; comme il surnage toujours un peu de cire sur ce mélange, on l'en sépare avec une écumoire, et on laisse reposer le tout quelques heures : on verse ensuite l'hydromel dans des bouteilles d'un verre épais ou dans des vases de terre que l'on expose au soleil pendant les grandes chaleurs, après les avoir bien bouchées avec un morceau de papier. Il faut remarquer que si ces vases étoient fermés trop exactement la fermentation que la chaleur produit dans cette liqueur, les feroit éclater. Lorsque l'hydromel ne bout plus, on le descend à la cave, où on el conserve plusieurs mois avant de le boire : on peut suppléer à la chaleur du soleil en mettant auprès du feu, les vases qui contiennent l'hydromel.

Puis avec la "Méthode pour faire l'Hydromel vineux" :

L'hydromel vineux demande plus d'attention, on y emploir toujours le miel et l'eau, mais la dose est proportionnée. Quelques personnes mettent dix livres d'excellent miel sur trente livres d'eau ; d'autres réduisent la dose de miel à un quart de la quantité d'eau qu'on veut employer : ce qui dépend du goût et de la volonté.

On délaye ce mélange dans un grand vaisseau de cuivre bien étamé, et on le fait bouillir à petit feu jusqu'à ce qu'il n'écume plus ou jusqu'à ce qu'il ne produise plus qu'une écume blanche ; il faut avoir soin de bien écumer afin qu'il ne reste point d'ordure. Dés que l'hydromel a acquis assez de consistance pour qu'un oeuf frais puise surnager, on le verse dans d'autres vases ; cette précaution devient absolument nécessairé, de peur que l'hydromel ne contracte le goût du cuivre. on peut passer cette liqueur dans un tamis, pour en séparer toutes les parties étrangères : on le clarifie pendant qu'il bout, en y jettant des blancs d'oeufs, comme pour clarifier le sucre.

On place les tonneaux où l'on a mis l'hydromel dans une espèce d'étuve, où l'on entretien chaleur suffisante, pour exciter à fermentation. ON couvre l'ouverture de ces tonneaux avec un simple morceau de papier, pour empêcher seulement que les mouches ne s'y introduisent : la fermentation de l'hydromel dure communément six semaines. On a soin de bien remplir les tonneaux lorsqu'il est nécessaire, sans les remuer. Il feroit à désirer que l'on pût tenir ces vases exposés au soleil pendant la canicule, la chaleur de cet astre cause une fermentation plus modérée. Lorsque l'hydromel ne bout plus, on le transporte dans les caves, où il se conserve pendantn un très grand nombre d'années : il ressemble au vin d'Espagne.

Jean-Claude Pïngeron poursuit en précisant que l'on peut ajouter fleurs de sureau, cannelle ou clous de girofles. Il ajoute également qu'on peut faire de l'hydromel en faisant bouillir des raisins de Corinthe avec du miel, puis de faire un hydromel avec ce miel, éventuellement additionné de zestes de citron. https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9742584n/f183.item

XIXème siècle

A mesure que l'on se rapproche de l'époque contemporaine, les sources de recettes se multiplient, notamment dans les revues dédiées à l'apiculture. On note ainsi les recettes suivantes au XIXe siècle :

Dictionaire des sciences médicales, 1818

Dictionaire des sciences médicales, par une société de Médecins et de Chirurgiens, 1818 :

Cet article rédigé par Fournier reprend les grandes lignes de la fabrication de l'hydromel tel qu'il est décrit depuis l'antiquité, sans grandes innovations :

Pour préparer l'hydromel vineux, on fait fondre une partie de bon miel dans trois parties d'eau bouillante, et l'on continue l'ébullition jusqu'à ce que la liqueur ait rejeté la première écume, et qu'elle ait acquis la densité convenable pour soutenir le poids d'un oeuf ; alors on la passe à travers une étamine, et on la verse ensuite dans un tonneau qu'il convient de remplir presque entièrement : la fermentation s'établit au bout de quelques jours, et continue pendant deux mois ; puis diminue ensuite. il est nécessaire d'opérer sur des masses qui excèdent la pesanteur de cent livres ; il faut que le tonneau soit exposé à une température d'environ 20 degrés réaumuriens, et que le bondon de cet appareil reste ouvert pendant la fermentation. On aura soin de remplacer la perte qu'occasionnera l'évaporation, par une partie de mélange qu'à cet effet on aura conservé dans des bouteilles. L'hydromel peut se préparer sans ébullition  ; pour y parvenir, l'on fait dissoudre le miel dans une partie et demie d'eau, au lieu de trois parties qui sont employées pour le procédé par ébullition.

Fournier ajoute quelques précisions sur d'autres formes d'hydromel : "L'hydromel des Polonais est rouge comme le vin de Bourgogne ; ils l'appellent miedou.". Il décrit ensuite l'hydromel des Russes, dans lequel du houblon et de la cannelle sont ajoutés.

Dictionnaire d'agriculture pratique, 1828

Dictionnaire d'agriculture pratique, 1828, page 578 :

L'hydromel simple se fait avec le miel seul et l'eau commune (...).

On prend dans ce cas une livre de miel sur trois pintes d'eau. On fait choix du plus beau (la mère goutte), du plus nouveau et du plus agréable au goût. On le délaie dans un vaisseau de cuivre étamé ; on le fait bouillir doucement, en écumant avec soin, jusqu'à ce qu'il ait acquis assez de consistance pour qu'un œuf frais avec sa coquille puisse nager dessus sans tomber au fond du vaisseau. Quand elle est à ce terme, on la coule à travers un linge ou un tamis ; on en verse ensuite la moitié environ dans un baril tout neuf, lavé plusieurs fois avec de l'eau bouillante, puis on ajoute une ou deux pintes de vin blanc, en sorte qu'il ne reste aucune odeur désagréable. Lorsque le baril est plein, on se borne à en boucher l'ouverture avec un morceau de linge pour empêcher qu'il n'y tombe quelque ordure ; puis on le place dans une étuve, ou au coin d'une cheminée, dans laquelle il faut entretenir un petit feu jour et nuit, pour échauffer légèrement la liqueur et la faire fermenter.

On met l'autre partie de l'hydromel dans des bouteilles ou dans des cruches de terre à col étroit, bien nettes, qu'on ne bouche pas non plus ; on se contente de les couvrir d'un linge comme le baril, et de les attacher en différents endroits au-dedans de la cheminée. Cet hydromel sert à remplacer celui que dissipe la fermentation, dont la durée se prolonge environ six semaines. Ce temps révolu, on bouche le baril avec son bondon enveloppé d'un peu de linge. Il ne faut pas le serrer ni l'enfoncer trop avant, parce qu'on est obligé de le retirer de temps en temps, pour remplir le baril que l'on porte à la cave, et qu'on y laisser passer l'hiver. Lorsqu'on remarque que l'hydromel ne s'y condense plus, et qu'il est toujours à fleur de bondon, on l'enfonce, et on ne touche plus au vase que pour le percer et mettre l'hydromel en bouteilles.

Il serait mieux de faire fermenter l'hydromel en l'exposant à l'action du soleil, mais comme cet astre n'est pas toujours sur l'horizon, sa chaleur ne peut pas produire une fermentation aussi égale ou ni aussi prompte que celle que donne les étuves ou les cheminées.

L'auteur de cette entrée du dictionnaire ajoute également une recette "d'hydromel composé", dans laquelle on ajoute des raisins de Damas bouillis et coupés en deux, et avec un ajout de sel de tartre. On peut également y ajouter de l'essence de cannelle, des zestes de citron, des framboises, ou des fleurs.

Le dictionnaire décrit également un "hydromel ordinaire et commun", qui n'est pas fermenté : le miel et l'eau sont mélangés, bouillis, mais aucune fermentation n'a lieu.

Henri Hamet, Petit traité d'apiculture, 1856

Petit Traité d'apiculture, Henri Hamet

https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k9600785s/f79

Henri Hamet s'adresse aux apiculteurs, et propose plusieurs recettes d'hydromel :

Il faut mettre dans un chaudron de cuivre le miel et l'eau nécessaire, c'est-à-dire un demi kilo de miel par litre et demi d'eau pure; faire bouillir à petit feu, jusqu'à réduction d'environ un tiers du liquide ; avoir soin d'enlever l'écume à mesure qu'elle se forme, et veiller à ce que le feu soit régulier et peu fort. Au bout de trois ou quatre heures d'ébullition modérée, il faut verser la boisson dans un cuvier, la laisser refroidir et la décanter. On l'entonne alors dans un tonneau bien propre et sans mauvais goût, que l'on a soin de bien emplir. On place ce tonneau dans un lieu dont la température est de 15 à 20 degrés centigrades. Au bout de deux ou trois jours la fermentation s'établit ; elle est tumultueuse d'abord ; mais au bout de quelques jours elle se calme, et l'on a soin de remplir le tonneau avec de la boisson que l'on a mise en réserve dans quelque cruchon. Après six semaines toute fermentation apparente est terminée, et l'on peut placer le tonneau dans un cellier ou dans une cave sèche. Quelquefois on provoque la fermentation en ajoutant un peu de levûre de bière ; mais cela n'est pas indispensable. On peut aussi modifier le goût de la liqueur en plaçant dans la chaudière quelques fleurs à arome prononcé, de la coriandre, de la cannelle, etc. Plus l'hydromel est vieux, plus il acquiert de qualité, lorsqu'il a été fait dans de donnes conditions.

Henri Hamet propose également une deuxième recette de "miod", moins noble que le premier hydromel. Il le réalise avec les résidus d'extraction du miel, en lavant les rayons. Le ratio est d'environ un kilo de miel pour 6 à 12 litres d'eau. L'auteur propose également de compléter avec du sucre brut, de la cassonade, puis des fruits après la fermerntation (groseilles, framboises, cerises guignes ou bigarreaux, merises)., ou encore des plantes, racines ou fleurs aromatiques.

L'hydromel proposé par M. Hamet donne une densité initiale d'environ 1.130 (0.5kg de miel pour 1.5kg d'eau, mélange réduit d'un tiers ce qui donne 0.5kg de miel pour 0.8 L d'eau, ou 0.5kg de miel pour une cuvée de 1.2L). Le contrôle de la fermentation est inexistant.

Le Miod proposé par M. Hamet donne une densité initiale de 1.023 à 1.044, soit un potentiel de 3 à 6% d'alcool. Hamet avertit qu'embouteiller cet hydromel après un mois de fermentation donne une boisson pétillante qui risque de casser les bouteilles. Pour un tel potentiel alcoolique, il est surprenant d'avoir une période de fermentation si longue. Il est probable que l'absence d'ajout de levures dans un moût bouilli soit responsable, au moins en partie, de cette fermentation si languissante et peu contrôlée.

Nicolas Basset, Guide théorique et pratique du fabricant d'alcools et du distillateur, 1870

Nicolas Basset consacre un livre de son Guide théorique à l'hydromel (Nicolas Basset, Guide théorique et pratique du fabricat d'alcools et du distillateur, 1870).

Il analyse notamment les travaux de Henri Hamet, et propose un protocole de fabrication de l'hydromel en supplémentant le moût de divers nutriments présents dans les moûts de vin et de bière mais absents du moût d'hydromel. Il ajoute en particulier du malt et de la gomme dextrine en plus de sels nutritifs.

Nicolas Basset indique également, au sujet des recettes proposant de faire fermenter l'hydromel au soleil pendant les canicules :

Tout est livré au hasard et à une sorte de tâtonnement dont on ne peut rien espérer de bon. La fermentation n'a rien ici de certain, rien de prévu, et l'on doit se trouver heureux pour peu que l'on réussisse à produire ainsi une boisson plus ou moins alcoolique.

Années 1890

De nombreuses expérimentations et tentatives sont réalisées dans les années 1890, et il nous reste beaucoup de traces de ces échanges. On peut notamment noter :

  • Monsieur Laval, dans une lettre au journal du 12 novembre 1891, publiée dans l'édition de janvier 1892, propose une recette d'hydromel avec de la levure de bière, et suis la fermentation rigoureusement avec un pèse-sirop.
  • Ch. Derosne propose une recette d'hydromel réalisée à partir d'un levain de pollen (Charles Derosne, Bulletin de la Société bourguignonne d'apiculture, 1895). Dans cette méthode, un levain est réalisé, puis introduit dans un moût avec un potentiel alcoolique de 10 à 15%. M. Derosnes recommande l'eau de source plutôt que l'eau de pluie. La fermentation dure entre 10 et 12 jours.
  • G. Gastine critique fortement la méthode Derosnes (G. Gastine, Causeries sur la culture des abeilles, 1893), indiquant que "Comme les anciennes recettes pour la préparation de l'hydromel, la méthode de M. Derosne offrira des succès fortuits et des échecs fréquents, cela au hasard de circonstances dont on n'est pas maître."
  • Georges de Layens rédige en 1894 un ouvrage complet sur l'hydromel (Georges de Layens, L'Hydromel, 1894 ou Georges de Layens, l'Hydromel, édition 1906), taclant au passage les "hydromels mal fabriqués" dés son deuxième chapitre (p 5). Il indique un intérêt pour les hydromels réalisés avec du miel de bruyère (p 6), et recommande de colorer les hydromels trop clairs avec du caramel. Il réalise un levain avec un rayon contenant du pollen, puis il ajoute à son moût de l'acide tatrique, du pollen et du sous-nitrate de Bismuth. Le collage est réalisé avec des blancs d'oeufs.
  • En Belgique, J.-B. Depaire publie en 1896 un recueil de conférences intutilés Hydromel et produits dérivés de la fermentation du miel (JB Depaire, Hydromel, 1896), dans lequel il remet en cause les pratiques traditionnelles : "Il faut reconnaitre que la plupart des fabricants qui se livrent actuellement à la préparation de l'hydromel opèrent le plus souvent au hasard, sans suivre des règles fixes, sans tenir compte des indications rigoureuse de la science expérimentale (...). De là les insuccès, les mécomptes qui conduisent directement au découragement.". Depaire décrit une procédure pour réaliser un hydromel à partir d'un pied de cuve réalisé à partir de miel : c'est donc une forme de fermentation à partir de ferments indigènes, mais sélectionnés, qui est réalisée. Depaire recommande également l'usage de levures sélectionnées de vin. Depaire ajoute des nutriments à son levain et à son hydromel (Sel nutrivif de Gastine). Depaire propose de contrôler la température de fermentation avec une installation dédiée.

Les techniques de fabrication anciennes et ancestrales

Comme on a pu le voir précédemment avec des exemples de recettes antiques et médiévales, les hydromels historiques étaient des fruits de leur temps, et les recettes reflètent le niveau de connaissance sur la fermentation qu’avaient les différents peuples qui ont produit de l’hydromel.

En effet, de la préhistoire jusqu’au XIXe siècle, le fonctionnement des levures et les principes de la fermentation n’étaient pas compris : c’est Pasteur qui mit à jour l’action des levures et leur nature.

Outre les fautes dans leurs procédures, les romains/celtes/vikings/etc. n’utilisaient pas de sulfites ni de nutriments non pas par conviction, mais par manque de connaissance. Ainsi, faire un hydromel “comme avant” signifie se priver de notre connaissance actuelle de la chimie et du fonctionnement des levures. Cela signifie aussi souvent réaliser des étapes inutiles par pure superstition, comme de laisser reposer l’eau de pluie pendant plusieurs années.

Les ingrédients ont donc considérablement évolué, ce que l’on voit également clairement au travers des ouvrages et des recettes. Il n’est pas forcément possible de suivre ces recettes à cause de cela :

  • Les recettes antiques (Pline, Columelle) ne recommandent pas d'ajout de levure. Il faut cependant lire ces recettes avec prudence car cette opération étaient peut-être évidente pour eux, et ne nécessitait donc pas de figurer dans leurs recettes.
  • Les recettes moyen-âgeuses (Le Ménagier de Paris, XIVe, voir ci-dessus), recommandent souvent l’ajout d’un levain de cervoise (bière).
  • On a des traces d’hydromels créés à partir de lies de vin ou de cidre, notamment au XIXe siècle.
  • En 1892, M. Laval recommande aux apiculteurs de lancer la fermentation en ajoutant “un peu de levure de bière” dans leur moût. Dans le même ouvrage, M. Gayon recommande l’usage de levures sélectionnées au même titre que la bière et le vin (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k97485566).
  • En 1972, M. Alin Caillas explique que l’on utilise des levures sélectionnées, qui sont commercialisées dans des “bidons en fer blanc bouchés par un bouchon de liège percé”
  • Aujourd’hui, la plupart des ouvrages recommandent l’utilisation de LSA (levures sèches actives), ou bien de levures liquides (par exemple Schramm ou Kaczmarek)

En lisant ces recettes anciennes, et parfois plus récentes avec des ouvrages du XIXe et XXe siècle, on voit que tous les auteurs sont préoccupés d’abord par faire la meilleure boisson possible. Ils n'hésitent pas à réfuter d’anciennes pratiques et d’anciennes théories, et à en proposer de nouvelles. Par exemple, Georges de Layens commence son ouvrage de 1906 par dénoncer dés la page 5 les “Hydromels mal fabriqués” (https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k1426227w).

Le jeu de rôle et l’archéologie expérimentale ont leur place dans la fabrication de l’hydromel - mais il faut également en reconnaître les limites : Ces expériences sont intéressantes, amusantes et curieuses pour les hobbyistes, mais les hydromels fabriqués avec des méthodes anciennes ou ancestrales étaient des produits de leur temps. Ils étaient plus aléatoires, potentiellement de moins bonne qualité, et souvent ne correspondant plus au goût d’aujourd’hui.

Quelques sources et lectures complémentaires

  • Laura D. Angotti, Wellcome Mead, 2019 (ISBN 978-1732464612)
  • Susan Verberg, Of Hony, 2020 (source)
  • Laura D. Angotti, 15th Century English Mead, 2021 (source)